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Comment les locataires d’Habitat et Humanisme vivent-ils la crise sanitaire ?

Publié le 17 avril 2020

Les équipes d’Habitat et Humanisme poursuivent leurs actions d’insertion sociale et de « bâtisseur de liens » malgré l’épidémie. Découvrez 3 témoignages qui illustrent le vécu de ces familles logées par Habitat et Humanisme à Paris.

 

« Il y a plusieurs familles pour qui la situation est vraiment difficile, pour qui ce confinement aura des impacts lourds. »

Soumah Myriam Habitat Et HumanismeMyriam, Travailleur social, paris Est

Comment est-ce-que je m’adapte au confinement ? Alors moi qui ne suis pas branchée informatique, réseaux sociaux, et tout ça… en ce moment, je m’amuse ! A l’intérieur d’Habitat et Humanisme, on est tous en train d’apprendre à communiquer autrement les uns avec les autres… on utilise beaucoup Whatsapp, on fait des réunions en visio… il y a encore de petits bugs parfois mais petit à petit ça s’est mis en place.

Nous, les travailleurs sociaux, on travaille aussi beaucoup avec des partenaires extérieurs. Et eux aussi ils ont leur communication et leur coordination qu’il leur faut adapter. Bref, tout le monde est en train de se mettre en ordre de bataille dans un contexte qu’on ne connait pas, et parfois c’est tout un poème !

Moi j’accompagne trente-deux familles. Je dis trente-deux, mais officiellement, à cause du confinement, ce serait plutôt trente : lundi 16 mars, deux familles ont signé leur contrat de location mais le confinement a commencé le lendemain, donc elles n’ont toujours pas pu rentrer dans leur nouveau logement et elles sont obligées de se maintenir à l’hôtel.

Dans mon travail d’accompagnement, les choses se font au jour le jour, et famille par famille. Certaines ont des problèmes mais arrivent à se débrouiller avec le réseau familial. D’autres rencontrent des difficultés administratives, et on arrive à les aider. Mais il y a plusieurs familles pour qui la situation est vraiment difficile, pour qui ce confinement aura des impacts lourds.

N’oublions pas que la majorité des familles sont monoparentales et que beaucoup continuent de travailler car elles occupent des métiers essentiels. Et il se passe des choses, humainement, qui sont difficile à entendre.

Je pense par exemple à deux dames que j’accompagne et qui vivent seules avec leurs enfants. La première, elle travaille dans une halte soin pour les SDF : elle a décidé de mettre sa petite en garde chez une amie parce qu’elle est bien consciente que son travail l’expose à la contamination. L’autre dame est auxiliaire de vie chez des personnes âgées qui l’embauchent en direct. Lorsque je lui dis : « On peut vous aider à arrêter de travailler, c’est faisable vous savez ? ». Elle me répond « Oui mais si je ne vais pas travailler, il se passe quoi pour ces personnes âgées ? Si j’arrête, ils n’ont plus personne. ». Donc même choix que l’autre dame : son petit est chez sa mère, elle ne verra pas son fils pendant toute la durée de la quarantaine.

Il y a aussi cette autre dame que j’accompagne et qui est caissière à temps plein dans une supérette. Elle continue de travailler, bien entendu. Mais les horaires ont explosé, elle enchaîne les heures supplémentaires et elle est littéralement épuisée. Parfois, elle voit sur son téléphone que j’ai essayé de la joindre, et elle m’envoie un sms à 21h30 « Je suis crevée, je vais me coucher ».  Et puis il y a ce monsieur qui fait de la livraison de colis. Pour lui aussi les heures supplémentaires… c’est sans fin !

Il y a bien sûr celles et ceux qu’il faut rassurer. Dans ce cas, l’accompagnement bascule plutôt vers des conseils de bon sens : « Vous devriez arrêter avec les chaînes infos, c’est anxiogène. » Et celles et ceux qu’il faut informer : « Vous savez que le confinement a été prolongé ? » Et tous ceux dont les problèmes intrafamiliaux vont ressurgir à mesure que le huis-clos se prolonge…

Et puis il y a les questions très pratiques directement liées au confinement : comment s’organiser avec quatre enfants à la maison ? Comment les occuper toute la journée ? Comment leur faire l’école à la maison quand on ne sait pas lire le mail de l’instit ? Qu’on ne sait pas se connecter à Internet ? De mon côté, je m’attends à ce que la question de l’occupation des enfants soit une problématique de plus en plus présente au fil des semaines.

 

« On laisse pas les gens comme ça voyons ! »

Charlotte, 32 ans, bénévole accompagnante à Paris Est

TattooMon boulot c’est de créer des sites internet. Enfin, disons que c’est le métier pour lequel je suis rémunérée parce qu’en fait, je prépare le concours d’agent spécialisée de la police technique et scientifique. C’est ça que je veux faire et je m’y prépare sérieusement. Il y beaucoup d’appelés et peu d’élus, mais je tente ma chance ! Je devais passer le concours mi-avril mais c’est repoussé à cause du confinement, du coup j’en profite pour réviser encore plus !

Je suis amoureuse de tattoos et de la culture street en général. Donc mon temps libre, je le consacre principalement à ces deux passions, mais pas que !

Depuis 2 ans, je suis aussi bénévole accompagnante avec l’équipe Paris Est d’Habitat et Humanisme. Je vis dans le 20e et la famille que j’accompagne habite d’ailleurs pas très loin de chez moi. C’est une dame qui vit seule avec ses quatre enfants. Elle est en recherche d’emploi, elle aimerait bien travailler dans des cantines ou l’entretien des écoles, elle aime bien travailler dans le milieu scolaire. Habituellement, on se voit une fois par semaine : je fais un accompagnement avec la dame et de l’aide aux devoirs à domicile pour son grand garçon qui a 10 ans.

En ce moment, bien-sûr on s’organise différemment. Alors bien sûr c’est moins simple… mais oui, évidemment que je l’appelle ! On laisse pas les gens comme ça voyons !

Pour l’aide aux devoirs, là c’est plus compliqué : on a bien essayé la visio mais ils n’ont qu’un smartphone, celui de la maman, et pas d’ordi à la maison. Du coup c’est pas simple et je me fais du souci pour ce gamin. Sa maman parle à peine français, il n’a personne pour l’aider à faire l’école à distance. J’ai peur qu’il décroche. Même à l’école publique, et même si les profs font tout ce qu’ils peuvent, je me rends bien compte que les élèves ne sont pas tous égaux face à ce confinement.

Depuis le 17 mars je reste régulièrement en contact avec la maman, par téléphone. On parle de trucs praticos-pratiques. C’est de l’interaction sociale de base, pour garder le lien tout simplement: « Est-ce que vous allez faire vos courses ? Comment se passe le confinement ? Est-ce que vous avez des personnes autour de vous pour garder le contact ? Comment ça se passe à la maison avec les 4 enfants ? ». Elle dit que c’est compliqué. Elle a une petite qui a 15 mois, c’est un bébé qui a besoin d’être tout le temps avec elle, et un garçon de 4 ans qui lui aussi a besoin de beaucoup d’attention.

Le confinement, elle le respecte. Mais elle a peur. Elle, elle a peur du virus. Elle ne sait pas combien de temps ça va durer. En plus, elle ne sait pas lire. Du coup, les articles sur les réseaux sociaux ou dans les journaux, elle ne peut pas les comprendre. Elle se retrouve dans un manque d’informations ou bien dans des « Ah j’ai entendu que… ». Ne pas savoir, ça l’angoisse. Alors j’essaie de la tenir informée, de lui dire les choses de façon pas alarmiste : « Il y a quelques semaines à tenir, ça va aller ! ». On est plutôt dans un soutien moral un peu optimiste du coup.

Au final, l’appeler et lui parler c’est faire ce qu’on fait tous avec nous amis et avec nos proches en ce moment. C’est bête, mais on a tous besoin de ça ! On aime tous avoir nos potes en visio, tous les jours. Là c’est pareil ! On aime garder les liens, en tant qu’humains, tout simplement.

 

« Elle travaille pour nous »

LEslie, Locataire d’Habitat et Humanisme, paris 

Leslie

Leslie M., maman d’une petite fille de trois ans, habite depuis octobre dernier dans un appartement d’Habitat et Humanisme à Paris. Elle est secrétaire médicale dans un service de l’Hôpital Européen Georges Pompidou.

Depuis le début de l’épidémie, elle a choisi de poursuivre son activité, en confiant la garde de sa fille à une personne de sa famille. Pourtant, elle va au travail la peur au ventre, surtout depuis que l’une de ses collègues a été infectée par le virus et est tombée gravement malade. Angoissée, elle a cependant décidé de continuer à aider son équipe et de ne pas laisser tomber ses collègues.

Son test s’est révélé négatif, au travail elle dispose de équipements de protection nécessaires (masque, blouse…). Elle attend avec impatience le vaccin. Elle respecte avec le plus grand soin les mesures de distanciation sociale, chez elle et à l’extérieur.

Leslie se sent bien entourée par son travailleur social (Sandrine) et le bénévole qui l’accompagne : « Si j’ai un souci, je sais vers qui me tourner ».

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