Bernard Devert
Edito de Bernard Devert

Conjuguons essentiel et existentiel, deux clés pour s’ouvrir à la solidarité

Les chiffres parlent, 102 000 foyers reconnus éligibles au DALO sont depuis 2008 en attente d’un logement. 16 années !


Publié le 30 mai 2024

Que peut-on bâtir lorsque l’espoir est constamment déçu, d’où un ressenti amer de n’être rien ou si peu. A la perte de confiance de soi s’ajoute celle à l’égard des Institutions pour être sourdes à la détresse des plus vulnérables.

Le Haut Comité pour le Logement met l’accent sur la situation des « travailleurs essentiels » qui constituent en grande partie – et je cite – dans la population, les ménages reconnus au titre du DALO et des publics prioritaires.

Qui sont ces « travailleurs essentiels » : des acteurs de soins et de l’hygiène dans nos villes et tous ceux qui veillent et concourent à mettre en œuvre ce qui est nécessaire aux besoins de la population.

Lors de la crise sanitaire, alors que sonnait l’appel à rester chez soi aux fins de se protéger de ce virus, jusque-là inconnu, les « travailleurs essentiels » ont assumé avec panache leur engagement. Que de fenêtres s’ouvrirent pour une fête inattendue, ô combien justifiée, témoignant d’une reconnaissance authentique, accompagnée de la promesse que, désormais, ils ne seront plus oubliés.

Dans ce moment difficile, l’exigence de justice et de fraternité s’est emparée des esprits.

La crise passée, il y eut bien ici-et-là quelques améliorations, prenant conscience qu’il était difficile de demander à ceux qui avaient pris soin de nous, de ne point prendre soin d’eux.

Le point sur la situation du DALO marque combien ces « acteurs essentiels » sont encore sur le pavé, en attente d’un toit en raison d’une économie du logement, essentiellement orientée et encadrée par la logique du marché.

Allons-nous continuer à lui laisser la main, bride abattue. Certes, le marché l’est actuellement même si les prix demeurent élevés au point que le coût du logement vient empiéter, pour les plus fragiles, sur une part essentielle de leur budget, d’où un reste pour vivre trop souvent indécent.

Loger ou habiter, tel est le choix ; il est interdit pour les plus vulnérables qui doivent se contenter de ces lieux où rien n’a lieu pour être privés de cette source qu’est l’intimité, ce chez soi sans lequel il est difficile d’être soi.

Les chiffres parlent ; ils disent la souffrance des uns, l’indifférence des autres et, sans nul doute, l’urgente nécessité de repenser l’économie du logement en l’arrachant à la dimension spéculative si blessante pour la cohésion sociale.

Dans ces moments où la maladie s’approche, qui ne regrette pas de voir les soignants, ces « travailleurs essentiels », n’ayant d’autres possibilités que de se loger loin de là où ils s’investissent professionnellement. S’éveille, en ces heures, la lucidité d’une perte de la fraternité si nécessaire pour faire société laquelle, ne nous payons pas de mots, ne surgit que si nous acceptons de nous reconnaître dépendants de l’autre, des autres.

Cette dépendance est au cœur du soin et du prendre soin, cette approche du care, de ce meilleur qui, seul, converge vers l’essentiel. Si nous le retenions dans l’acte de construire, nul doute que la Cité en serait transformée.

Le DALO, ce droit opposable, vient s’opposer à ces inessentiels si encombrants ne nous interrogerait-il pas, de par ses résultats, à nous demander, comment aller plus loin pour être plus humain. Là, s’éveille l’inattendu d’une recherche existentielle qui a sa part d’essentiel ; ne la désertons pas.

Bernard Devert
Mai 2024

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