Publié le 24 octobre 2022
Entretien avec Fabrice Bonnifet, (Directeur DD Bouygues) en tant que Président du C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable) qui rassemble la plupart des grandes entreprises.
Auteur du livre récent “L’entreprise contributive”.
Dans son livre “l’entreprise contributive”, Fabrice Bonnifet, Président du Collège des directeurs du DD (C3D), propose une “marche à suivre” pour le développement d’un modèle d’entreprise qui concilie le monde des affaires et les limites planétaires :
“Halte au discours convenu sur la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui entend rassurer les naïfs parce qu’elle assure la conformité aux règles. Les limites planétaires n’ont que faire du “droit des hommes”, tant que ce dernier restera en deçà du supportable pour le vivant.
La seule RSE acceptable est celle qui vise l’impact véritablement mesurable et, au-delà, celle qui conduit l’entreprise à devenir contributive nette d’externalités positives avec aucune externalité négative, parce qu’on ne négocie pas avec la nature.
Le prétexte de la création de valeur économique ne peut plus avoir comme variable d’ajustement la destruction du capital naturel et du capital humain.
Depuis 20 ans la composante reporting de la RSE a permis de mieux comprendre à quel point nos modes de production étaient prédateurs des écosystèmes et générateurs d’inégalités sociales.
Force est de constater que compter ne suffit pas, car cela n’a pas (encore) permis d’inverser la trajectoire suicidaire de l’humanité.
Le principal enjeu à prendre en compte concerne la création de valeur sans carbone.
Le Giec a, dans son 6ème rapport, indiqué que sans inversion immédiate de la courbe des émissions de CO2 planétaires, puis d’un effort de réduction de l’ordre de 6% par an des GES mondiales, il en était fini d’espérer de limiter le réchauffement climatique sous les 1,5° d’ici 2100.
Cet avertissement réitéré des scientifiques sous-entend que toutes les entreprises doivent réduire leur empreinte carbone de 80% en 28 ans, essentiellement par des mesures de sobriété !
Quelle régulation impose cela ? Absolument aucune alors que sa raison d’être serait avant tout de protéger l’intérêt général.
C’est terrifiant d’inconséquence et d’aveuglement de la part de tous ceux qui entretiennent plus l’inaction qu’ils ne génèrent de l’action.
Et pourtant oui il est possible d’être profitable autrement qu’en détruisant le futur des générations à venir et la biodiversité, et cela devrait être le seul objet de la RSE vis-à-vis de la transition écologique.
Il y a pléthore d’exemples pour faire du business autrement : on connaît le potentiel de l’agroforesterie pour l’agriculture ou des matériaux biosourcés pour la construction et l’industrie textile.
On a aussi intérêt à promouvoir les modèles d’affaires qui s’appuient sur l’économie de la fonctionnalité (intensité d’usage des produits), telle que commence à la pratiquer pour certaines gammes de produits des grandes entreprises comme SEB, Decathlon, Michelin, Hilti….
Les solutions existent, le plus difficile c’est de lever les freins sociotechniques qui empêchent leur déploiement à grande échelle…”
➔ Le n°14 spécial RSE et Transition écologique
➔ Un engagement croissant en faveur de la transition écologique | Entretien avec Axelle Davezac, Directrice générale de la Fondation de France