Publié le 8 novembre 2022
Le baromètre de la finance solidaire est au beau-fixe. Une météo encourageante pour envisager des traversées plus longues, aux fins de hisser les voiles vers des caps de « Bonne Espérance ».
Certes, les embarcations sont encore très petites, trop, mais elles ne cessent de prendre une certaine dimension pour représenter près de 25 Md€ au 31 décembre 2022.
La présente semaine (du 7 au 14 novembre) sera un temps fort pour l’économie solidaire. A Lille, notamment mais pas seulement, se tient une manifestation sous l’égide de France Active, la Banque des Territoires, Mirova, au terme de laquelle seront décernés les Grands Prix de la Finance Solidaire dont Habitat et Humanisme fut lauréate ; n’en est-elle pas l’un des pionniers.
La finance solidaire n’a cessé depuis sa création de se développer, observant que davantage la question du sens interroge nos concitoyens, plus elle suscite de l’intérêt et recueille des adhésions (plus d’un million en 2022).
Il faut saluer dans ce développement l’engagement des entreprises et de leurs salariés qui investissent une quote-part de leur rémunération dans les fonds de l’épargne salariale solidaire représentant un encours global de 75 % des capitaux investis dans cette forme d’économie.
L’économie, la solidarité, un oxymore ! Ces deux mots semblaient ne pas pouvoir faire attelage. Voici qu’ils s’unissent, conférant à la finance une magnifique mission, celle de la transformation sociale.
Il nous souvient de l’interpellation du Baron Louis : « faites-nous une bonne politique et je vous ferai de bonnes finances » ; encore faut-il la définir. Ce qui est bon, c’est ce qui permet de briser l’attente insupportable d’un toit, évitant ainsi bien des amertumes et des souffrances qui font des vagues engloutissant l’espoir.
Sans cette finance solidaire Habitat et Humanisme n’aurait jamais pu loger plus de 40 000 foyers qui, abandonnés, ont pu trouver un logement dans un quartier équilibré, les éloignant de cités paupérisées au sein desquelles ils n’osaient espérer cet habitat si nécessaire à l’égalité des chances.
Un renversement est intervenu pour observer que c’est à partir de bonnes finances qu’une politique sociale peut se bâtir pour réduire la violence inacceptable qu’est la misère. Longtemps, il fut sage de distinguer et même de séparer le business de la solidarité, laquelle désormais s’introduit dans le champ entrepreneurial.
Comment ne pas saluer l’attention réservée à une économie qui introduit la notion du bien commun ; pendant longtemps l’acte d’entreprendre a conduit à se réunir pour partager les bénéfices qui pourraient en résulter, suivant la définition du Code Civil. Désormais, d’aucuns se rapprochent pour faire naître des projets dont la finalité n’est pas de gagner pour soi, mais de faire gagner ceux qui se trouvent au bord du chemin, souvent en errance.
La finance qui depuis des lustres a toujours recherché des sécurités – rappelons-nous l’adage : on ne prête qu’aux riches – se laisse toucher par les situations de fragilité se révélant sœurs du changement.
Il n’y a pas de sécurité là où il n’y a pas de justice, ou encore, là où l’attention à l’autre est dépourvue de bienveillance, du prendre-soin et plus encore de sollicitude.
Qui aurait pu penser que l’économie éveillerait des relations apaisées pour être équitables ; tel est le défi que l’économie solidaire relève. Elle suscite une planète inattendue ; ne serait-elle pas celle visitée par le Petit-Prince où il rencontre l’allumeur de réverbère. Il est le seul, dit-il, dont j’eusse aimé être l’ami.
Un grand acteur de l’économie solidaire la nomme l’économie cordiale ; comme l’expression est juste.
Cette planète peut apparaître pour beaucoup très lointaine, un espoir. Cependant, ne brise-t-elle pas le miroir où l’on ne voit que soi pour donner à voir un autrement venant chahuter des certitudes pour laisser place aux convictions réveillant un avenir, et quel avenir, celui de la fraternité.
Comment ensemble ne pas entrer dans cet investissement du partage.
Bernard Devert / Novembre 2022