La Semaine Bleue, en référence sans doute à cette couleur, symbole de la sagesse et de la plénitude, s’est ouverte il y a 72 ans à l’attention des personnes âgées en situation de grande fragilité sociale. Il s’agissait alors d’une quête sur la voie publique qui a heureusement évolué vers une prise de conscience de l’enjeu sociétal majeur que représente le vieillissement.
Publié le 2 octobre 2024
Rappelons que d’ici 2050 – c’est demain – la France comptera près de 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans contre 2 millions aujourd’hui.
Vivre, c’est accepter de vieillir ! Encore faut-il se préparer au vieillissement qui commence très tôt ; il impose une vigilance quant à l’hygiène de vie au sein de laquelle l’alimentation a sa part, l’activité sportive en a une autre et naturellement les conditions de vie sociales qui concourent au respect et à la dignité de la personne.
Le vieillissement touche le plus grand nombre et si chacun n’a pas la même possibilité de le vivre de façon pacifiée, tous, nous pouvons et devons agir davantage pour que reculent la dépendance et la solitude.
Il s’agit d’un combat permanent qui n’est pas étranger à la fraternité, observant combien le grand âge en souligne tristement l’absence, pour le moins l’insuffisance.
Saluons la place de la jeunesse dans ce combat en s’investissant, via le soutien de l’Agence du Service Civique Solidarité Seniors, dans les maisons médicalisées. Que de passerelles ainsi créées avec la Cité et que de liens tissés dans cette différence des âges se révélant une magnifique et noble ouverture.
La dépendance n’est pas une fatalité ; elle est un risque, susceptible d’être largement atténué par les politiques de prévention qu’il convient de saluer ; elles mobilisent plutôt les classes sociales privilégiées, d’où une disparité importante quant à l’espérance de vie, environ 10 années entre les personnes les plus aisées et celles confrontées à la fragilité.
Quant à la solitude, elle est consécutive aux ruptures ravageuses des liens. Un cancer social dont les métastases plongent dans des angoisses et dans une perte d’estime de soi et des autres. Qui n’a pas entendu nos grands aînés se demander : « pourquoi suis-je encore là ». La vie, alors, est habitée par un vide et un sentiment d’inutilité.
Quels traitements pour éloigner ce malaise et ce mal-être.
Nos sociétés se pensent à travers des relations qui peinent à se concevoir dans une transversalité des âges et des conditions sociales, d’où une multiplicité de cercles fermés mettant à distance l’altérité, alors qu’elle est source de vie.
Les politiques de santé et celles de l’habitat doivent impérativement se rapprocher. Il est grand temps de concevoir l’acte de bâtir comme un acte de soins et du prendre-soin sans lesquels aucun lien ne se tisse durablement.
Être vraiment humain, c’est constamment inventer le présent.
Or, que d’aînés disent avec amertume et dépit : ce monde n’est plus le mien. Je n’ai plus de place. Le présent s’éteint et le futur s’enfuit.
Fort heureusement, se réalisent des programmes qui n’existaient pas hier, tels l’habitat inclusif et les résidences autonomie. Une avancée judicieuse qui ne s’ouvre cependant pas assez sur la mixité des âges, laquelle exige le développement de résidences intergénérationnelles venant lézarder ces deux murs que sont dépendance et solitude.
La place des Ehpad fait l’objet d’une pertinente recherche en vue de créer des centres de ressources des soins facilitant ceux à domicile, voire l’hébergement temporaire quand la personne a besoin d’une veille attentive sans que pour autant sa santé exige une entrée définitive en institution.
L’Ehpad perdra alors l’image de ce lieu angoissant, clôturant la vie, pour en faire un trait d’union avec l’activité domiciliaire.
Que nos aînés ne se sentent surtout pas de trop. En nous invitant à des relations humanisantes ne sont-ils pas des acteurs importants de notre Société, et même des soignants, comprenant qu’à leur écoute l’heure est de mettre à distance les silos où l’on place les uns, les autres, en fonction de ce qu’ils sont et ont été.
Que de privations d’expériences qui, enfin prises en compte, offriraient les conditions d’une Société plus attentive à la fragilité, ce grand chemin d’humanité que parcourent les soignants ; ils n’attendent pas qu’on les mette sur le podium de la solidarité. Tels les héros, ils ne plaident jamais pour eux-mêmes.
Puissions-nous simplement, au cours de cette Semaine Bleue, mieux prendre en compte ce qu’ils sont et ce que nous leur devons pour aborder le vieillissement comme un soin vital dont la Société toute entière a urgemment besoin.
Bernard Devert
1er octobre 2024