Bernard Devert, Président-Fondateur d’Habitat et Humanisme, réagit face à la volonté du Premier ministre d’amender la loi SRU.
Publié le 16 février 2024
Ce 30 janvier, M. Gabriel Attal, Premier Ministre, présentait à l’Assemblée Nationale son discours de politique générale. Il reconnaissait la nécessité de créer un choc de l’offre pour sortir d’une crise du logement si aigüe que les relations sociales sont gravement affectées mettant en cause l’unité de la Nation, pourtant une et indivisible.
L’unité n’est pas assurée quand une fraction de la population est assignée à des logements qui crient la ghettoïsation. Il s’ensuit un ressenti amer d’être rien pour n’avoir pas d’autre avenir que de rejoindre les quartiers perdus pour la République.
N’est-ce pas fracturer la cohésion pour laisser plus de 3 000 enfants et 140 000 adultes dormir dans la rue ou bien condamnés à se réfugier dans des squats ; quelle égalité quand plus d’1/4 de la population n’a pas la possibilité de se chauffer. Ils étaient 14% en 2020 ! Quelle liberté quand 330 000 de nos concitoyens sont sans domicile fixe et 4 100 000 sont concernés par le mal logement.
Quelle fraternité pour rester indifférent au fait de cette attente de plusieurs années pour bénéficier dans les grandes villes ou métropoles d’un habitat décent dont le loyer est en cohérence avec les ressources.
Tout est dit, répété à l’envi, mais rien ne bouge ou si peu sauf sur l’hébergement qui concerne 200 000 personnes auxquelles il conviendra bien de proposer un logement.
Une telle situation n’est pas indifférente à une absence de l’aménagement du territoire. Une étude récente, publiée par le baromètre Arthur Loyd, souligne que loin des aspirations post Covid, 24 départements urbanisés concentrent 82% des créations d’emploi dont 1 nouvel emploi sur 3 en France bénéficie à l’Ile de France, plus particulièrement à la capitale.
Le Premier Ministre pour s’inquiéter à juste titre des classes moyennes privées des moyens de se loger dans les villes et les métropoles annonce une révision possible de l’article 55 de la loi Solidarité et Renouvellements Urbains (SRU).
Il est impensable que les plus vulnérables en soient les victimes. L’équité n’est pas d’enlever aux plus pauvres ce qu’ils n’ont déjà pas ou si peu mais d’entrer résolument dans une prise de risque : changer pour faire du neuf.
Les marges de manœuvre sont étroites sauf à trouver un élan de solidarité, nécessaire à ce choc de l’offre.
Le 24 janvier 2006 l’Assemblée Nationale, appelée à se prononcer sur un amendement de la loi SRU visant la diminuant du quota, eut la surprise de voir l’Insurgé de Dieu. Exténué par l’âge – il a 93 ans – et les combats, il trouva une fois encore les mots et emporta l’adhésion d’un grand nombre de députés pour que l’article la loi 55 ne soit pas revisité.
L’honneur de la France, dit-il, c’est quand le fort s’applique à aider le plus faible.
Nous devons impérativement maintenir, par souci de justice, le quota de logements pour les plus vulnérables en ajoutant à la loi du 13 décembre 2000 l’obligation que l’acte de construction et d’acquisition des immeubles confèrent aux classes moyennes un droit d’accès à l’accession et à la location, via un prix maîtrisé.
Un des ennemis de la fraternité est la spéculation foncière.
Est-il juste que les terrains à construire bénéficient d’une folle plus-value en raison des investissements de l’Etat et des Collectivités Locales (métro, tramway). Un des moyens pour faire tomber cette rente inique est d’imposer que tout programme relevant de la loi SRU offrira jusqu’à 50% de logements aidés, à minima 25 % pour les personnes fragilisées et 25% pour la midle classe.
Rappelons que 70% de la population est éligible au logement social. Il ne suffit pas de rechercher un choc du logement, il convient de s’interroger pour qui, afin de mettre en exergue les urgences et par là même les priorités.
Une telle orientation impactera ipso facto les charges foncières pour les rendre plus raisonnables, la Collectivité se gardant un droit de régulation dans l’hypothèse où ces logements intermédiaires ne seraient pas réalisés faute d’un prix du foncier excessif.
Un des risques de cette mesure – fût-elle juste – est la rétention des terrains. Les Pouvoirs Publics n’ont-ils pas pour mission de désarmer la violence que constitue le mal-logement en agissant, si nécessaire, par une fiscalité ad hoc.
Si la fraternité est souvent oubliée, c’est que peut-être nous avons perdu le sens de l’humain. L’heure est de le reconquérir en refusant l’inacceptable qui érode les valeurs de notre civilisation.
Bernard Devert
Février 2024
Monsieur Guillaume KASBARIAN
Ministre délégué au Logement
Caluire, le 12 février 2024
Monsieur le Ministre,
En qualité de Président du Haut-Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées et de l’association Habitat et Humanisme, je prends la liberté de prendre attache avec vous.
La nouvelle mission qui vous incombe est difficile tant la crise du logement est aiguë. Ne dit-on pas, fort justement, dans les milieux autorisés que le marché du logement est un marché impossible.
Vous décidez d’agir ; je vous en sais gré.
Le premier Ministre, lors de son discours de politique générale, a laissé entendre que pourrait être revisité le quota des logements sociaux qui s’impose pour toute construction ou acquisition de logements dans les communes de plus de 3 500 habitants.
La situation des plus vulnérables au regard du logement est si dramatique que ne peut être envisagée une réduction de ces logements très sociaux, sauf à aggraver l’abîme entre les classes sociales.
Il n’en demeure pas moins que M Gabriel Attal a raison de vouloir mettre en œuvre une politique à l’attention des classes moyennes tant elles concourent à la cohésion sociale.
Aussi, est-il pertinent et nécessaire de leur faciliter l’accès au logement dans les grandes villes et métropoles pour en être souvent éloignées de par l’explosion du coût des constructions et de celui du foncier.
Le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées suggère que la loi SRU soit une grande loi de solidarité en veillant à ce que 50% des logements à construire soient réservés à concurrence de 25% pour les populations vulnérables et 25 % à destination de la « middle-class ».
Il convient de se rappeler que 70% de nos concitoyens sont éligibles au logement aidé.
Une telle proposition ne trouverait pas d’opposition à l’égard des professionnels de l’immobilier qui ne parviennent pas à construire en raison des prix prohibitifs dont le foncier a une part importante au sein des métropoles.
Les grandes villes nécessitent des équipements publics, métros, tramways, mais pas seulement ; il s’ensuit une spéculation outrancière sur le foncier.
Est-il juste que ces investissements de l’Etat et des Collectivités Locales suscitent cet enrichissement sans cause pour les propriétaires fonciers. Une rente, par définition injuste, qui mérite d’être drastiquement atténuée à défaut d’être supprimée.
Si 50 % des logements construits le sont à des prix nécessairement maîtrisés eu égard à leur destination, il s’ensuivra ipso facto une régulation des charges foncières.
Cette loi revisitée conduirait à faire de l’acte de construire un acte de soin, via une politique de réconciliation entre les classes sociales. L’habitat en est un des moyens.
Le Président de la République trouverait dans cette orientation la possibilité de réduire l’injustice que crée cette rente qui lui est, à juste titre, insupportable et insupportée par les classes moyennes et ceux attachés aux valeurs républicaines.
Sollicitant un rendez-vous à une date qui vous obligerait,
Bernard Devert