Publié le 24 octobre 2022
Entretien avec Louis Henaux, Directeur Logement d’Habitat et Humanisme
Le Mouvement Habitat et Humanisme s’est doté d’une stratégie quinquennale 2021-2025, votée par l’AG du Mouvement à l’été 2021. Sur cette base, 6 chantiers ont pu voir le jour, dont deux sur l’immobilier : La qualité et la sobriété des nouvelles opérations immobilières et la qualité de l’exploitation de notre parc immobilier (rénovation énergétique du patrimoine immobilier,
exploitation responsable des établissements médico-sociaux).
On le comprend, l’enjeu financier majeur est celui que font peser les nouvelles ambitions de performance énergétique pour le parc de logements d’Habitat et Humanisme : rénovation thermique, nouvelles énergies et exigences de sobriété carbone viennent contraindre des bilans économiques dont la force était de permettre l’accueil de locataires très démunis.
A titre d’exemple, la foncière historique du Mouvement a été créée il y a 36 ans : une majeure partie de son parc immobilier a été bâti avec des normes qui ne sont plus du tout celles que nous connaissons aujourd’hui. L’enjeu est de taille. Il l’est en premier lieu à l’échelle des locataires, puisque nous luttons pour la dignité énergétique de leur lieu de vie, sujet d’autant plus essentiel que la hausse des prix de l’énergie les touche durement et est appelée à durer. Il l’est également à l’échelle globale, l’immobilier représentant environ 25% des émissions de gaz à effet de serre.
Pour les nouvelles opérations, les efforts du Mouvement se concentrent sur la dimension d’ingénierie : montée en compétence des équipes, amélioration de nos ambitions environnementales
lors des travaux à l’acquisition. Evidemment, cela représente souvent un surcoût, autant dû à l’organisation de la filière de construction, qu’à l’inflation actuelle et aux exigences normatives plus poussées.
Concernant le parc de logements existants, l’enjeu financier concerne les 5 300 logements propriétés des deux foncières du Mouvement. Nous menons une évaluation de notre parc, qui s’achèvera par une révision ambitieuse de notre stratégie patrimoniale. Cette phase de diagnostic permettra notamment de quantifier les besoins de rénovation énergétique.
Il faut distinguer la stratégie patrimoniale “courante” des ambitions supplémentaires que l’on peut y adjoindre. Suite à la Loi dite Climat et Résilience de l’an dernier, nos premières évaluations pour le parc de logements montrent un investissement supplémentaire sur 10 ans d’environ 20 M€ par rapport à notre investissement patrimonial usuel. Cela, sans considérer l’inflation récente. Il faudra y ajouter l’évaluation des établissements médico-sociaux (EHPAD, Résidences Autonomies), en cours dans le cadre des obligations du Décret Tertiaire et d’un Audit Energétique d’Entreprise réglementaire.
La rénovation patrimoniale courante est, pour une bonne partie, financée par les provisions des foncières. Cependant, la difficulté intervient sur les investissements supplémentaires qui n’étaient pas provisionnés à si court-terme.
Le contexte d’inclusion et de respect des personnes les plus démunies, qui fait la spécificité de nos foncières, nous contraint à maintenir nos loyers au plus bas. Ainsi, pour financer cette ambition de rénovation énergétique, nous pouvons faire appel, comme pour nos investissements en acquisition à un mix de prêts, de subventions, de capital et de générosité du public.
Ce mix reste à déterminer au regard des spécificités des rénovations énergétiques performantes : les réductions de consommations énergétiques permettent de faire baisser les charges pour le locataire, mais également d’amortir l’investissement pour les foncières. Par ailleurs, les aides publiques à la rénovation énergétique pour les foncières comme celles du Mouvement restent faibles dans le contexte actuel. Nous imaginons donc de nouveaux équilibres financiers et continuons à faire appel à l’investissement solidaire de particuliers et d’institutionnels, ainsi qu’au don, afin de renforcer nos outils dans cette lutte pour le droit à la dignité énergétique du plus grand nombre.
Les opérations immobilières des foncières s’adaptent à la nouvelle Réglementation Environnemental 2020. Par ailleurs, lorsque le concours financier de partenaires le permet, nous menons des opérations pilotes pour concilier ambitions supplémentaires en matière de sobriété environnementale du bâti et coûts de production très sociaux, ce qui, compte tenu de l’inflation et des coûts d’acquisition fonciers, est un véritable défi au quotidien.
Les enjeux de la stratégie quinquennale concernent également les autres activités clés du Mouvement : pour l’accompagnement, c’est la lutte contre la précarité énergétique et la “participation environnementale” des bénéficiaires du Mouvement que nous initions.
Ainsi, nous menons un travail de fond sur le renforcement progressif de l’accompagnement des locataires par les bénévoles des associations : les appuyer dans l’équipement de leur logement, le recours aux outils d’aides pour payer les charges… Et surtout, mettre à leur disposition les outils de “prise en main” des sujets ayant trait à la transition énergétique et écologique : compréhension du fonctionnement du logement, sensibilisation aux enjeux énergétiques, ateliers, etc.
Côté ressources et vie associative, nous nous concentrons sur la transition des organisations et l’évolution des ressources – financières et humaines – en regard des enjeux écologiques.
Les changements climatiques à venir vont transformer notre rapport au monde, et modifier les bases sur lesquelles se sont bâties nos sociétés. Pour Habitat et Humanisme, comme pour tous les acteurs du social, l’enjeu, c’est d’agir pour que les personnes les plus démunies ne soient pas les oubliées de cette transformation. La transition sera solidaire de l’humain et de l’environnement, ou ne sera pas.
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