Publié le 14 décembre 2021
Faire découvrir l’art contemporain à partir des émotions, du ressenti, n’est-ce pas le meilleur moyen de sensibiliser le public à cette forme d’art qui questionne, interpelle, surprend, dérange ou laisse de marbre ? C’est en tout cas le pari de l’équipe du Musée d’Art Contemporain de Lyon et de celle du Théâtre du Point du Jour.
Charlotte, à la fois médiatrice au Musée d’Art Contemporain et bénévole d’Habitat et Humanisme, a donc pris son bâton de pèlerin pour venir proposer aux passagers et bénévoles des Escales Solidaires du 2 et du 3 de participer à un parcours original sur cinq séances. Au programme, une projection d’images d’œuvres d’art contemporaines, une visite guidée des créations de cinq artistes donc quatre femmes exposées actuellement au Musée d’Art Contemporain, un atelier d’expression à l’Escale du 3 puis au Musée autour d’une œuvre choisie, en compagnie de Céline, comédienne du Théâtre du Point du Jour et enfin une présentation par les participants de l’œuvre de leur choix.
Blandine, Evelyne, Badira, Catherine, Zvart ont suivi le parcours quand d’autres sont venus ponctuellement, par curiosité. Chacune a choisi une œuvre qui éveillait en elle de vives émotions, ou des souvenirs. Avec la comédienne, elles ont travaillé sur l’expression de ces émotions à travers un travail corporel, vocal ou tout simplement le silence. Un exercice difficile mais qu’elles ont toutes apprécié.
Curieusement, ce sont surtout les photographies de l’artiste Delphine Balley qui met en lumière les croyances, les rituels et leurs pratiques dans nos sociétés, qu’elles ont retenues.
Lors de la dernière séance, trois d’entre elles ont présenté au groupe une œuvre de l’artiste qui les a marquées pour des raisons très personnelles, parfois sans lien évident. Pour Evelyne, c’est la relation aux rituels et la présence d’objets inanimés dans ces photographies qui lui ont rappelé son enfance. « Ça n’a aucun rapport sauf que cela m’a fait penser à ma mère lorsqu’elle travaillait comme domestique dans des maisons bourgeoises. Voilà pourquoi j’ai choisi ce grelot », explique-t-elle en passant d’une oeuvre à l’autre tout en agitant son grelot.
Zvart a choisi une photographie qui la plonge plus que d’autres dans son enfance qu’elle évoque avec des gestes lents. Ce qui a touché Blandine, « c’est le côté théâtral et mystérieux des photos de l’artiste ». Son corps tout entier se met en mouvement et elle entonne doucement une chanson de Ferrat d’après un poème d’Aragon : « Que serais-je sans toi, qui vins à ma rencontre, que serais-je sans toi, qu’un cœur au bois dormant… ».
Catherine, elle, a sélectionné quatre vidéos réalisées par Marina Abramovic et Ulay, un couple d’artistes connu pour ses performances en duo qui explorent les limites physiques et mentales. Au début, la violence contenue dans ces vidéos lui était si insoutenable qu’elle en détournait le regard. Curieusement, c’est sur elles que son choix s’est porté « car elles expriment beaucoup de choses sur la relation à soi, aux autres et dans le couple. Cette humanité et cette fragilité m’ont vraiment émue », confie-t-elle.
Avant de clore cette dernière séance d’un parcours atypique et passionnant, Charlotte remercie les bénévoles et passagers « d’avoir bien voulu nous emmener dans votre univers et dans celui des artistes« . Et Blandine de conclure : « Nous avons aussi apprécié cette expérience très forte qui, grâce à l’accompagnement de Céline, nous a permis de travailler sur nos émotions. et de les exprimer avec le corps, la parole et les gestes« .
Que l’art contemporain révèle à ce point des émotions et des souvenirs intimes, voilà une découverte inattendue, vécue de l’intérieur qui, pour sûr, ne laissera plus insensibles à cette forme d’art celles qui ont participé à cette approche !
Marie Anne Ichter, reporter bénévole