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Publié le 16 août 2017
PORTRAIT D’UNE FEMME ENGAGEE
Rencontre avec Antoinette, accompagnante, bénévole de la première heure.
« Tu n’es pas une religieuse comme les autres », lui fait-on souvent remarquer.
Ah bon ! Je devrais dire « Sœur Antoinette » ? Je suis confuse, moi qui, d’emblée, dès notre première rencontre, ai tutoyé cette femme qui arbore une tenue à la mode de chez nous. Seul signe distinctif, un pendentif africain en forme de cœur. C’est sa « croix » à elle. Celle qu’elle a portée fièrement au Tchad et au Cameroun où elle a exercé sa mission pendant plus de douze ans. « Nous étions les premières femmes blanches. On a pris des habitudes de relations humaines qui ne sont pas nos habitudes à nous. Et je reste comme je suis. »
Ne changez rien Antoinette. A 84 ans, vous êtes magnifique. Si fraîche encore de corps et d’esprit. Est-ce ce que l’on appelle la grâce ? Si, comme on le dit, la première des grâces, c’est la qualité de la relation à l’autre, la réponse est « oui ».
Antoinette accompagne l’exclusion
De retour en France, dans les années 80, la religieuse poursuit son combat contre l’exclusion, en apportant « une présence au monde de la rue ». Au cœur de Paris, elle est aux côtés des nouveaux pauvres, des premiers sans papier « qui se terrent dans les caves ». Elle mesure l’immense détresse de tous ces laissés-pour-compte et découvre les ravages du sida. Avec deux prêtres, elle crée « Aux captifs, la libération », association humanitaire au service des personnes de la rue.
Revenue à Rennes, sur les traces de son enfance, en 2000, Antoinette met cet amour des autres au service du mal-logement, à travers l’association Habitat et Humanisme. « On est restés longtemps une toute petite équipe. Cela ne se développait pas beaucoup. » La ville de Rennes était sceptique : « Qu’est-ce que vous faites de plus que les HLM ?» L’association locale a réellement pris son envol avec la création de la pension de famille, inaugurée en 2012. Un projet « d’habitat partagé » avec une dimension sociale, culturelle et générationnelle.
La pension accueille des personnes qui viennent de la rue, sortent de prison après des peines assez longues. D’autres sont en difficultés psychologiques. Un projet social, dans l’esprit de la mixité prônée par Simone de Beauvoir, qui a été subventionné.
Il justifiait une reconnaissance. Et une structuration du mouvement. « Au début, on gérait 4 logements dans le diffus. Aujourd’hui on est passé à 25, sans compter la pension de famille. »
C’est Pascal, accueilli dans le cadre d’un mécénat avec Orange, qui s’y est collé. Définissant entre autres différents pôles : la GLA (gestion locative adaptée) chargée de l’attribution et de la gestion des logements, l’accompagnement qui concrétise la relation avec les familles et assure la continuité.
« Certains arrivent à Rennes en urgence de logement, d’autres maitrisent moins bien notre langue. » Accompagner c’est avant tout créer un lien de confiance avec la personne ou la famille afin qu’elle se sente suffisamment libre pour solliciter le référent. Lequel est garant du bon usage du logement (rapport de voisinage, environnement, entretien…) et du règlement du loyer. « Une plaque chauffante déficiente, une vitre brisée, un dégât des eaux . C’est nous qui faisons le lien avec le pôle bricolage. »
A l’entendre, Antoinette « ne fait rien ». Quoique, « je suis dans la relation avec la personne ». Antoinette, c’est la main tendue. « Si je n’ai pas de nouvelles, j’appelle pour m’assurer que tout va bien. » Les petites visites de courtoisie ne sont pas toujours comprises.
« Pas évident de débarquer chez les gens. Ils n’ont pas forcément connaissance de ce suivi bienveillant et le prennent comme un contrôle. » Forte de son expérience, la bénévole formule un vœu pieux . « J’aimerais que cela soit clairement défini. Pourquoi les accompagnants ne seraient-ils pas présents lors de la remise des clés? » Une façon de rassurer la personne qui intègre son logement et de légitimer le rôle des référents.
Pas question pour Antoinette de rentrer dans leur vie. « On avance ensemble. Je suis dans l’écoute. Pas dans le conseil ou le jugement. » A l’heure où l’on prône les économies d’énergie, « je considère que ce n’est pas à moi de dire à une famille africaine, qui a toujours froid, de baisser son chauffage tournant à plein régime ».
Il y a bien sûr des cas où le suivi s’avère indispensable. « J’ai accompagné une ancienne détenue qui avait passé 25 années de sa vie en milieu carcéral. Elle était perdue et traversait la rue sans regarder. Il fallait lui redonner des repères. Elle était incapable de prendre le bus toute seule. »
Que deviennent ensuite tous ces liens tissés ?
« C’est pas du vent ». Cela va bien au-delà d’une aide spécifique momentanée. « Tu viens, je vais te faire un bon couscous. » Référente un temps, amie pour longtemps, Antoinette savoure avec délice les cuisines du monde. Comment refuser ces invitations ? « Humainement, je ne peux pas faire autrement. C’est tellement riche. C’est fantastique. » Si le lien doit perdurer, « c’est toujours à leur initiative ».
Quoi de plus normal. Un lien d’amitié se crée au fil du temps. « Un lien d’égal à égal. » Ils s’en sont sortis. Ce logement provisoire leur a permis de poser leurs valises. Certaines étaient lourdes à porter. « C’est une grande fierté pour eux et une victoire pour nous. »
Il paraît que la grâce, c’est heureux et joyeux. A l’image d’Antoinette et de sa grande famille. Que du bonheur !
Monique GIRARD.