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Habitat et Humanisme Île-de-France-Précarité Énergétique
Actualité nationale

Le programme santé mentale d’Habitat et Humanisme – 4 questions à Caroline Kiaya, coordinatrice accompagnement santé

La précarité entraîne une fragilité accrue en matière de santé mentale. Chez Habitat et Humanisme, les équipes accompagnantes font un constat alarmant : addictions, troubles psychiques et isolement sont des freins majeurs à l’insertion sociale et professionnelle des personnes logées. Face à cette urgence, l’association développe une approche globale pour mieux repérer, accompagner et soutenir les personnes en souffrance.

Caroline Kiaya, coordinatrice accompagnement santé, nous éclaire sur les actions mises en place et les perspectives d’avenir.


Publié le 26 mars 2025

Quels sont les constats des équipes d'Habitat et Humanisme sur la santé et plus spécifiquement la santé mentale des personnes en grande difficulté ?

La précarité s’accompagne d’un risque accru de morbidité, particulièrement en ce qui concerne la santé mentale et les maladies transmissibles. La précarité, du fait de la perte des repères et des sécurités, du fait de la perte de la confiance en soi, en autrui et en l’avenir, s’accompagne du risque d’un affaiblissement du souci de soi et de sa santé [1]. Ainsi les personnes précaires cumulent les facteurs de risque et présentent des pathologies à un stade plus avancé que les autres.

Nos équipes accompagnantes constatent sur le terrain cet impact de la précarité sur la santé. D’après un diagnostic santé réalisé en 2022, 84% de nos équipes observent que certaines personnes accueillies ont des problèmes importants de santé [2]. Les principales problématiques de santé identifiées sont : addictions (alcool, tabac, substances psychoactives), santé mentale, alimentation, activité physique, hygiène et pathologies du vieillissement.

La santé mentale est une préoccupation encore plus importante dans nos centres d’hébergement d’urgence. En effet les personnes qui y sont accueillies ont souvent vécu des situations de guerre, de tortures, de violences physiques et/ou psychiques, beaucoup d’entre elles attendent aujourd’hui une autorisation de séjour en France, cela conduit à de fortes souffrances psychiques.

Dans nos logements, ces troubles de la santé mentale, parfois liés aux addictions, génèrent des tensions, voir des violences, avec les voisins. De plus ces troubles sont un frein à l’insertion professionnelle.

Aussi nos équipes se sentent démunies pour accompagner nos publics en situation d’addiction ou de problèmes de santé mentale.

Il existe un lien très étroit entre précarité, santé mentale et addictions. En effet, un tiers de la population mal logée souffre de troubles psychiatriques sévères c’est-à-dire troubles psychotiques, troubles de l’humeur, et troubles anxieux. De plus pour les personnes atteintes de troubles psychotiques et de l’humeur, le risque de rupture sociale est dix fois plus important que pour la population générale [3]. Parallèlement, les troubles psychiatriques sont plus fréquents chez les personnes ayant un usage ou un abus de substances psychoactives, notamment anxiété, dépression, troubles de la personnalité : 30 % à 60 % des usagers de drogues présenteraient une comorbidité psychiatrique [4].

C’est pourquoi nous avons décidé à Habitat et Humanisme d’avoir une approche globale de santé pour agir en même temps sur la santé mentale, les addictions et les facteurs de précarité.

[1] ADSP, n°73, décembre 2010

[2] Diagnostic santé réalisé en 2022 au sein du Mouvement Habitat et Humanisme

[3] Enquête Samenta, menée parmi les personnes sans logement (en Ile-de-France) en 2004

[4] Inserm. Comorbidités psychiatriques chez les usagers de drogues (chapitre 4). In Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues. Rapport. Paris : éditions Inserm ; 2010.

Quels projets sont développés actuellement en santé mentale ?

En 2022, 64 % des équipes accompagnantes interrogées étaient investies (avaient des idées d’action ou bien des actions en cours) sur la question de la santé mentale. Ainsi la santé mentale était le deuxième champ le plus investi par les structures après les addictions. L’investissement touchait 92% des équipes de la branche urgence et 72% des équipes des pensions de famille. Cet investissement s’est largement accentué depuis 2022 grâce à notre projet sur la santé mentale et les addictions.

Les actions mises en place en santé mentale sont :

  • La formation Premiers Secours en Santé mentale (PSSM) pour les équipes accompagnantes : 200 personnes ont été formées depuis 2022 et sont maintenant capables de mieux repérer les troubles en santé mentale, adopter un comportement adapté, informer sur les ressources disponibles, encourager à aller vers les professionnels adéquats et, en cas de crise, agir pour relayer au service le plus adapté
  • La mise en place de partenariats avec les services publics de psychiatrie (centres médico-psychologiques, équipes mobiles psychiatrie précarité) pour des permanences ou des interventions d’urgence
  • La mise en place de contrats d’engagement tripartite entre le résident, le gestionnaire du logement Habitat et Humanisme et l’hôpital psychiatrique orienteur, au moment de l’attribution du logement
  • La mise en place de « médiateurs santé » ou « infirmiers coordinateurs » : rôle de facilitateur entre les secteur social et médical, pour accompagner vers le soin, se coordonner avec les partenaires, appuyer les équipes
  • La mise en place d’ateliers autour du bien-être mental (sophrologie, socio-esthétique, yoga du rire, médiation animale, jardinage…) et du lien social (rencontres autour de moments conviviaux, sorties, …)
  • Des ateliers de médiation artistique, avec des artistes (danseurs, chorégraphes, comédiens, metteurs en scène…) pour soigner les blessures par l’art
  • Des actions de recherche engagées par notre pôle Recherche et Innovation et l’équipe santé en lien avec l’Institut PRESAGE rattaché à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne

Quelles perspectives à Horizon 2030 sur la santé mentale au sein du Mouvement Habitat et Humanisme ?

 

Aujourd’hui, nous réalisons un état des lieux avec un groupe de travail « santé mentale » constitué à la fois d’accompagnants (salariés et bénévoles) et de personnes accueillies, issues de nos trois branches d’activités (logement accompagné, soin, urgence). Ce travail nous aidera à mieux repérer les problématiques existantes, les besoins des équipes, les initiatives qui fonctionnent bien et qui pourraient être essaimées dans le Mouvement Habitat et Humanisme. Permettre aux personnes accueillies d’avoir une contribution dans l’élaboration de la future stratégie santé mentale d’Habitat et Humanisme à l’horizon 2030 était important pour nous.

La restitution de ce travail se fera auprès du copil santé, lequel donnera les perspectives de travail. La stratégie va se construire au fur à mesure. Repérer les actions probantes en France et au sein du Mouvement, les dupliquer, observer à nouveau, ajuster, définir un cadre d’intervention, faire monter en compétences les accompagnants, voilà l’essentiel de nos préoccupations jusqu’à 2030.

Bénévoles - Pension de famille

Pourquoi est-il important et urgent
d’agir pour la santé mentale ?

 

La santé mentale a été déclarée Grande cause nationale 2025 par le gouvernement. La concomitance de troubles psychiatriques et addictologiques est un fait épidémiologique connu. Or elle a des conséquences pronostiques : aggravation des symptômes de la maladie, survenue de complications (suicide et passage à l’acte), mauvaise observance thérapeutique et diminution de la durée de vie notamment. Elle a des conséquences sociales, avec instabilité des conditions de vie, retentissement familial, violence et criminalité. Enfin, elle a des conséquences sur le parcours du patient et en termes de coûts : passages itératifs aux urgences et risque accru de réhospitalisations [5]. Il est urgent d’agir de façon sur la santé mentale avec une prise en compte des addictions.

Un actif sur deux (49%) a souffert d’un problème de santé mentale et déclare au moins une dépendance (51%). Au-delà des conséquences sur la santé publique, cette épidémie silencieuse a des conséquences très concrètes sur nos entreprises et donc sur l’économie nationale. Les troubles de santé mentale chez les salariés représentent la première cause des arrêts de travail longue durée [6] et continue de progresser chaque année.

La santé mentale au même titre que la santé globale est un droit fondamental et nous demandons à nos partenaires de nous aider à construire des actions à impact dans ce domaine : car une société plus apaisée ne peut pas se construire dans une société qui laisse la santé mentale se dégrader.

[5] Programme pluri-annuel 2018-2023 Psychiatrie et santé mentale : programme_pluriannuel_-_psychiatrie_et_sante_mentale_2018-2023_mise_a_jour.pdf

[6] Baromètre Teale de la santé mentale des salariés, 2023

 Dsc4256 (c) Christophe Pouget

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