La trêve hivernale s’achève ; elle est loin de s’ouvrir sur un printemps pour les locataires qui, confrontés à la pauvreté quand ce n’est pas la misère, risquent une expulsion accompagnée d’une angoisse lancinante : où vais-je trouver un toit.
Publié le 29 mars 2024
Certes, le Droit au Logement Opposable (DALO) conduit à proposer un hébergement, mais la crise du logement que nous traversons rend pour le moins difficile l’accès à ceux qui n’ont rien ou si peu.
Je pense à ces familles monoparentales, entendez ces mamans abandonnées avec leurs enfants qui, devant déménager, s’éloignent de relations amicales souvent peu nombreuses ; dans de telles conditions, la perte du logement entraîne celle de la confiance et de l’estime de soi.
Le phénomène de l’expulsion s’aggrave puisqu’au cours de cette dernière décennie, il a augmenté de plus de 50 % ; cette année 140 000 foyers sont menacés, l’équivalent d’une ville comme Clermont-Ferrand.
En 2022, 17 500 ménages furent expulsés. Le coût du logement devient de plus en plus élevé attendu la diminution très sensible de l’APL, outre le fait que les charges énergétiques se sont aggravées ; les logements très sociaux sont trop souvent des espaces de vie onéreux, faute d’isolation. Il nous souvient du livre de Martin Hirsch : « cela devient cher d’être pauvre ».
L’expulsion est une violence susceptible d’en causer une plus grave encore avec la rue qui se profile ou des squats. Comment ne pas observer que les enfants ne sont pas épargnés : 2 800 demandes d’hébergement concernant un enfant chaque soir en octobre 2023, contre 1 700 en 2022 et 920 à l’automne 2020.
En Ile-de-France 30% du parc hôtelier est utilisé à destination de personnes sans-domicile.
Le sujet n’est pas de commenter cette sombre situation, mais de voir comment apporter des réponses d’humanité pour s’opposer à une inhumanité que rien ne semble arrêter.
Rappelons que plus de 300 000 logements sont vacants dans les villes et les métropoles, là où l’attente d’un logement est la plus forte. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur quiconque, conscients que des bailleurs ont renoncé à la location pour éviter tout contentieux, n’ayant pas les moyens, ni le savoir-faire pour recueillir les subventions facilitant les travaux de réhabilitation.
Il me semble difficile de penser que nous ne trouverons pas au moins 5 % de ces bailleurs qui, aidés et sécurisés quant au remboursement de leur investissement, n’accepteraient pas d’ouvrir la porte de leur bien inoccupé.
Habitat et Humanisme s’engage auprès de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) à instruire les dossiers nécessaires à cette recherche de financement sollicitant des Services de l’Etat un concours spécifique pour faciliter le déblocage des fonds, les logements étant affectés à des familles ou des personnes isolées de bonne foi qui bénéficieraient d’un loyer relevant du Prêt Locatif Aidé d’Insertion (PLAI – 6 € du m² avant APL).
Deux garanties seraient offertes aux bailleurs dans le cadre du dispositif « Propriétaire Solidaire » : un accompagnement des locataires et une prise en charge des loyers en cas d’impayés.
Ce Temps Pascal rappelle que la mort est vaincue. Ne nous invite-t-il pas à voir comment les morts sociales peuvent être atténuées, voire effacées de par une attention à la solidarité en se laissant habiter par ce souffle de la vie, jamais étranger au goût de l’autre.
Bernard Devert
Mars 2024